lundi 25 novembre 2013

Les leçons des jacqueries fiscales des agriculteurs d’Ile de France

 
 
Les leçons des jacqueries fiscales des agriculteurs d’Ile de France

A leur tour, les agriculteurs d’Ile de France se sont joints jeudi au concert des « jacqueries » fiscales.

Le revenu moyen de ces agriculteurs a été en 2012 de 97 800€. Comme le signale le Figaro lui-même, le revenu moyen a été de 73 000€ en Picardie et 67 100€ en Champagne-Ardennes.

Ces régions sont des régions de grandes cultures, céréales et oléagineux. Les hausses de 20% du prix des céréales ( 58% des agriculteurs d’Ile de France sont des céréaliers) et de 15-20% des prix des oléagineux, expliquent ces revenus. D’ailleurs, dans la France entière les revenus des céréaliers ont été de 72 000€.

A l’inverse les revenus des éleveurs et des viticulteurs ont diminué. Les premiers en raison :

  • de la hausse du prix des céréales et oléagineux pour l’alimentation animale,
  • des prix d’achat trop bas des grandes surfaces, pour les filières bovines,
  • d’une concurrence allemande salariale insupportable pour la filière porcine,
  • des intempéries pour les viticulteurs.
Dans ces conditions, la participation des agriculteurs d’Ile de France à la fronde fiscale plurielle, a, comme d’autres, un relent politicien évident.

Le tropisme droitier des agriculteurs et surtout de leurs dirigeants


La défense de la propriété, qu’ils soient propriétaires ou fermiers, le souci de l’ordre, en regard du désordre citadin, a toujours poussés les agriculteurs à droite.

« Midi Rouge » des années 1900-1980 exclu, qui penche cependant maintenant vers le front national.

A l’élection présidentielle de 2012, 40% des voix agricoles ont été à Nicolas Sarkozy, 20% à Marine Le Pen et Bayrou, et seulement 8% pour François Hollande.

La FNSEA a donc toujours été tout naturellement du côté droit de l’échiquier politique plutôt que du gauche.

En 1986, quand Jacques Chirac devient le premier ministre de François Mitterrand, il appelle immédiatement François Guillaume, alors président de la FNSEA , au Ministère de l’Agriculture,

Ses successeurs , Lacombe et Guyau avaient aussi de fortes attaches à droite, Luc Guyau est membre de l’UMP, Jean-Michel Le Metayer fut aussi un compagnon de route récompesnée par la droire.

Xavier Beulin, aujourd’hui aux commandes, est céréaliers et protéiculteurs dans le Loiret, et président de Sofiprotéol, ce qui ne le pousse pas naturellement vers la gauche.

Les gros poussent les petits à droite


Ces présidents ont toujours su, avec habileté, manœuvrer la base agricole, y compris les éleveurs ou les « petits » polyculteurs-éleveurs, dont la « situation de classe , comme disait le vieux Lukacs, les rapprochait plutôt du prolétariat, vers une “ position de classe ” et un comportement électoral de droite.

Aujourd’hui, nombre de petits éleveurs, dont le revenu est fréquemment inférieur au SMIC, pour des journées de travail de 12 heures et plus, rejoignent le Front national, à l’instar de nombreux autres “ prolétaires ”.

Comment-ont procédé les dirigeants agricoles, et les politiques de droite pour rameuter en permanence cet électorat ?

Depuis 50 ans, avec le Crédit agricole dont les dirigeants avaient le même tropisme politique, ils se sont arrangés pour que le déclin de l’agriculture, et, pour le dire plus net, la disparition des exploitations marginales, garde un rythme “ socialement ” tolérable, les SAFER organisant en en même temps la concentration des terres.

En 20 ans la moitié des exploitations a disparu.

Une politique agricole commune favorable aux gros exploitants


Ils se sont appuyés pour ce faire sur la Politique agricole commune (PAC).

Celle-ci a été défendue bec et ongles par tous les gouvernements de droite, ceux de gauche étant obligés de suivre, terrorisés par la FNSEA. De Gaulle n’a accepté, en 1958, de mettre en œuvre le Marché commun qu’à cette condition.

Dans les années 62-80, la France bloquait les négociations à Bruxelles -on “ arrêtait la pendule ” pour respecter symboliquement les délais- tant que la France n’avait pas obtenu le maximum espéré.

Son intransigeance lui a d’ailleurs fait négliger d’autres domaines dans lesquels il eût peut-être été plus judicieux de s’investir pour nos jeunes d’aujourd’hui. Mais les agriculteurs allemands, danois, belges, hollandais, et même anglais , dont les dirigeants nationaux reprochaient, par ailleurs, à la France, le coût excessif de son agriculture, profitaient bien en silence des mêmes subventions.

Ce n’est qu’en 1980, avec l’arrivée de Margaret Thatcher, qu’un frein fut mis à la PAC ; la dirigeante anglaise réclamait en effet son chèque en remboursement des versements anglais (“ I want my money back ”).

La PAC était alors exclusivement fondée sur l’aide aux prix. Quand ils exportaient aux prix inférieurs du marché mondial, les agriculteurs recevaient une restitution. Tout naturellement, les plus gros producteurs s’enrichissaient et, comme ils se multipliaient avec la concentration des terres, la FNSEA, qu’ils dirigeaient de fait, maintenait cette pression éminemment “productive” sur les gouvernements français.

A partir de 1992, trente ans après le début de la PAC, fut enfin amorcée, une réduction des prix garantis, avec des aides directes pour compenser.

En 2003, ces “aides à l’exploitation” remplacèrent les aides par les prix. Mais comme ces aides sont attribuées à l’hectare, les mêmes en profitent toujours, malgré les quelques contraintes écologiques imposées, que d’ailleurs ils contestent.

En fait on a créé, à côté de la rente foncière liées à la construction, une rente foncière agricole européenne. Pour la répartition de ces subventions, le nouveau ministre de l’agriculture, dans l’idée de favoriser les exploitations moyennes, a décidé de favoriser les 52 premiers hectares de chaque exploitation ; les exploitations de moins de 52 hectares, constituent 62% des exploitations, mais les grandes exploitations profitent aussi de cet avantage sur leurs 52 premiers hectares, y compris nos frondeurs d’l’Ile de France, et nos céréaliculteurs de 100 ou 200 hectares.


Exploitations agricoles selon la superficie agricole utilisée en 2010 (SSP, Agreste via Insee)

Plus encore, la perte de subvention ne saura excéder 30% à horizon de 2020. Les manifestants franciliens, dont certains se plaignent sans vergogne que leur subvention va baisser de 55 000 à 45 000€ (Le Monde 21 novembre) n’ont guère de souci réel à se faire.

Leurs recettes de subvention sont, de plus, assez bien gardées confidentielles puisque seules sont publiées les aides accordées aux structures collectives, mais pas les recettes des exploitations individuelles.

Une autre agriculture économiquement saine est possible


La pauvreté va donc continuer à régner dans une bonne moitié des exploitations notamment animales.

Pourtant une vraie réforme serait possible. D’une part laisser les plus gros céréaliculteurs et protéiculteurs, comme nos viticulteurs – ceux du Languedoc montrent le chemin- se battre sur le marché mondial.

D’autre part, pour l’élevage, se fixer deux voies :

  • 1) celle de l’hyperproductivité, à la hollandaise ou la danoise, avec des exploitations géantes dont la production est destinée à l’exportation, mais avec, aussi, des contraintes de réutilisation énergétique des déchets ;
  • 2) d’autre part, pour l’élevage encore, mais aussi pour les fruits et légumes, autour de toutes les villes de 20 000 à 50 000 habitants (à étudier) l’installation d’exploitations destinées à l’alimentation des agglomérations, de plus en plus en “ bio ”, ce qu’on dénomme le “ kilomètre zéro ”.
Faute de quoi certains pourraient rêver de la voie anglaise qui, avec les enclosures des XV-XVIII èeme siyècle a réduit de 80% son petit paysannat, en important une nourriture moins chère pour ses ouvrers, et se trouve maintenant avec quelques exploitations rentables… aidées par la PAC. Comme sa reine avec 470 000€ et le Prince Charles avec ses 181 000€ ! Suite...

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