mercredi 2 septembre 2015

Note crise laitière. Acte 3 par André PFLIMLIN.

ANDRE-PLIMIN
Crises laitières : Le Conseil des Ministres et le Parlement doivent exiger un changement de stratégie de la Commission André PFLIMLIN.

En pleine crise laitière, en 2015 comme en 2009, le discours reste le même à Bruxelles, à la Commission Européenne et au Copa–Cogeca, ou à Paris à la FNSEA. « Les perspectives de marché étant bonnes à long terme pour les produits animaux et l’Europe ayant un potentiel important de croissance laitière, nous devons produire plus et exporter plus» dit Phil Hogan, le Commissaire européen. « Il faut accélérer la modernisation et la concentration des exploitations d’élevage pour les rendre plus productives et plus compétitives», confirme le président de la FNSEA, également vice président du COPA (1) Outre les aléas d’une prévision à long terme, cette stratégie exportatrice pose question. Quelle sera la part des protéines animales dans l’alimentation des populations du Sud ? Quelles conséquences pour le développement des agricultures et l’élevage dans ces pays et sur les flux migratoires ? Quelles garanties pour nos éleveurs ?

Pour nos décideurs rêvant du grand export pour les prochaines décennies, la volatilité des prix mondiaux à court terme est devenue un aléa secondaire qu’il revient aux éleveurs d’anticiper en faisant des réserves en période de prix forts ou via les assurances privées. Ainsi, s’il y a bien des problèmes de trésorerie pour les éleveurs-cigales … « on ne doit pas parler de crise, ni de remise en cause de la politique laitière pilotée par le marché, et ce d’autant que l’on a un prix très raisonnable avec 300€ la tonne de lait» dit le Commissaire Phil Hogan. (1)
Cette affirmation témoigne d’une erreur de diagnostic sur 3 points majeurs qu’il est urgent de rectifier pour clarifier les causes de la crise laitière, avant de faire quelques propositions.
  1. La Commission avait parié sur un marché laitier mondial très porteur…
Le marché mondial des produits laitiers ne porte que sur 7% de la production totale soit 55 Mt. équivalent-lait (eq-lait) en 2013 et la progression de ce marché solvable est de l’ordre de 1.5 à 2 M t eq-lait /an . C’est principalement un marché de produits industriels standardisés, tels les poudres de lait donc très concurrentiels. Trois exportateurs fournissent plus de 70% du marché mondial : La Nouvelle Zélande (NZ) les Etats Unis (US) et l’Europe (UE) (2). Ils ont des modes de production très différents et plus ou moins sensibles aux aléas climatiques ou au prix des céréales. Une bonne ou une mauvaise année chez l’un des trois fait chuter ou flamber les prix mondiaux. Or en 2014 ce trio a produit un surplus de lait de 11 Mt dont plus de 6 Mt provenant de l’UE, par rapport à une croissance du marché mondial de moins de 2 Mt par an.
Pour la NZ qui exporte plus de 90% de sa production il s’agit d’un secteur prioritaire pour sa balance commerciale. Elle couvre à elle seule un tiers du marché mondial en poudres de lait et beurre et y impose ses prix. Fonterra «coopérative-multinationale» qui a le quasi-monopole de la collecte, de la transformation et des exportations pour la NZ, assure 75% des importations chinoises en poudre de lait. Aussi la compétition avec la poudre de lait NZ s’avère très difficile pour l’UE, comme nous l’avions écrit dès 2010(3) et confirmé dernièrement (14).
  1. La Commission n’avait pas prévu ce nouveau contexte de surstocks et de prix déprimés...
La crise laitière de 2015 est d’abord le résultat logique et annoncé dès 2010 (3) de la dérégulation programmée par la Commission et validée parle Conseil de l'UE, même si des évènements extérieurs l’ont renforcée.
En 2014, année favorable à la fois, pour le prix du lait et pour la production de fourrages et de grains, la production laitière a augmenté simultanément et fortement en NZ, aux USA et en Europe ; provocant un surplus majeur sur le marché mondial. Mais tout le monde s’en réjouissait, notamment en Europe car le prix du lait était encore élevé. Or dès l’été 2014 la crise était non seulement prévisible mais déjà à notre porte (4). En août, l’embargo russe sur les produits laitiers a fermé un gros marché pour l’UE (2 Mt. Eq- lait par an). Et la Chine avait nettement réduit ses importations pour mieux protéger sa production laitière interne (5)
Or malgré ces deux signaux majeurs, l’Europe, après une courte pause début 2015, a continué à produire plus de lait qu’au printemps 2014 pourtant record, ceci malgré un prix du lait en baisse de 20 à 30%! Comme c’est aussi le cas, de façon plus modérée, aux Etats Unis et en NZ, les surstocks pèsent lourdement sur les cours mondiaux qui sont tombés au niveau de 2009 (6) Cette dépression vaut aussi pour d’autres matières premières, pétrole, céréales , oléagineux, sucre etc.., du fait d’une offre abondante face à un ralentissement de la croissance mondiale, notamment en Chine et au Brésil (7)
  1. La Commission n’a rien proposé pour corriger cette volatilité extrême du prix du lait.
Le paquet lait et le rééquilibrage des aides PAC en faveur du 2ème pilier, sont «des mesures pour temps de paix». Or la Commission a délibérément programmé la guerre du lait interne et externe, en mettant toute l’Europe en compétition avec les deux champions du marché laitier mondial, sans vérifier les règles du jeu de nos concurrents. Sans évaluer l’importance du dumping social et environnemental des très grands troupeaux laitiers de l’Ouest, gros contributeurs de poudre pour l’export. Et sans nouvelles mesures de sécurisation du revenu de nos éleveurs!
Fin 2014 la contractualisation entre éleveurs et laiteries, mesure phare du paquet lait, ne couvrait que 20% de la production et elle ne porte que sur les livraisons, sans garantie de prix. Comme le prix d’intervention officiel a été abaissé à 215€ la tonne d’eq-lait depuis 2007, bien en dessous du seuil de survie et non actualisé, il n’y a plus de filet de sécurité alors que le prix du lait est en chute libre !
Aujourd’hui avec un prix du lait moyen à 300€ /t plus d’un éleveur européen sur deux travaille à perte, c'est-à-dire que non seulement il ne gagne rien pour nourrir sa famille(8) mais qu’il perd d’autant plus d’argent qu’il produit plus. C’est le cas des Danois : champions d’Europe pour leurs performances par vache et par travailleur mais derniers de la classe en terme de revenu depuis 10 ans du fait du surendettement. Les systèmes herbagers irlandais, avec des coûts de production proches du modèle NZ, peuvent mieux résister à ce prix «raisonnable» selon Phil Hogan…Mais ce lait étant principalement transformé en poudre, cela tire le prix du lait européen vers le prix mondial et contribue ainsi à éliminer les petits producteurs des régions laitières européennes moins favorisées.
Mais la Commission continue d’être sourde aux critiques sur l’extrême volatilité du prix du lait et sur l’absence d’études d’impact de la fin des quotas sur les régions d’élevage des zones défavorisées ou de montagne. Critiques de la Cour des Comptes et du Comité Economique et Social européen que la Commission avait déjà balayées en 2009-2010 au nom de la priorité au marché; critiques renouvelées par le Comité des Régions en 2013 et 2015 (9) et par le Parlement Européen(10) toujours sans réponses sur ce sujet sinon le renvoi au 2ème pilier et l’affirmation que la Commission disposait désormais des outils pour éviter une «nouvelle crise 2009 » (11)


4 - A court terme, des mesures simples et communes à toute l’Europe:
Abandonnés par les politiques, poussées à faire du volume par leurs laiteries, combien de temps les éleveurs européens vont-ils continuer à produire à perte ? Certaines coopératives cherchent de nouvelles formes de contrats avec des prix garantis sur une part limitée de leur volume, pour sécuriser les producteurs les plus fragiles. Mais c’est bien au niveau européen qu’il faut intervenir rapidement, en s’appuyant sur les outils existants et sur la base de 4 propositions:

a)Relever le prix d’intervention de 20 à 30% mais lier cette hausse à une réduction des livraisons durant ces périodes de surplus.

b) Définir un indicateur d’alerte s’appuyant sur l’observatoire européen du marché laitier(12) pour permettre aux politiques et à la Commission d’intervenir plus tôt pour limiter les crises.

c)Garantir une marge pour les éleveurs laitiers européens en s’inspirant du Farm Bill américain
Ce projet de garantie de marge laitière est réalisable rapidement à partir de l’index de marge brute trimestriel publié par la Commission (12)

d) Définir un dispositif de réduction des volumes en cas de surplus et de chute des prix
Deux propositions sont sur la table, l’une de Michel Dantin, député européen, l’autre de L’EMB, (13) toutes deux écartées par la Commission. Elles doivent être remises en débat !

A priori c’est la combinaison des 3 dernières propositions (b,c,d) qui mérite d’être étudiée et testée car elle semble opérationnelle à partir des outils existants; elle serait plus souple et sans doute moins coûteuse qu’un relèvement substantiel du seuil d’intervention.

A moyen terme, un changement radical d’orientation

Il ne s’agit pas de revenir aux quotas mais de remettre la vraie priorité sur la bonne valorisation de plus de 85% du lait (90% en valeur) sur notre marché interne, permettant de préserver des campagnes vivantes et attractives pour plus de 500 millions de citoyens-consommateurs. Et pour la modeste part de l’export vers les pays tiers(14) il faudra mieux définir nos produits, avec davantage de fromages et moins de poudres, et nos cibles avec un partenariat renforcé avec nos voisins du sud de la Méditerranée. Or, sous la direction de la Commission et avec le soutien du COPA et de l’agro-industrie, l’Europe a trop misé sur le grand export de produits industriels, avec les dégâts que l’on voit aujourd’hui. Et la Commission poursuit sa fuite en avant vers un marché mondial utopique, via les accords de libre échange tout azimut, avec Le Canada, les Etats Unis, l’Amérique du Sud, l’Afrique de l’Ouest, le Vietnamaux dépens de la cohésion de l’Union européenne! Et au mépris de la souveraineté alimentaire des pays d’Afrique et d’ailleurs.

Au niveau des instances européennes, il est urgent de changer de cap. C’est de la responsabilité du Conseil des Ministres de décider des choix stratégiques. Mais c’est au Parlement Européen élu démocratiquement qu’il revient de reprendre la main face à l’omnipotence de la Commission(15)

Au niveau national, c’est aussi la constitution de grandes OP régionales ou de bassin, qui peut renforcer le pouvoir de négociation des producteurs quant à la répartition des marges au sein de la filière, en privilégiant le débat plutôt que les manifestations violentes devant les laiteries ou les supermarchés, comme en France cet été. Mais sans régulation au niveau européen les éleveurs resteront la variable d’ajustement des prix mondiaux de plus en plus volatils, même avec une meilleure répartition des marges.

Au niveau de la ferme, ce nouveau cadre plus sécurisé devrait permettre une réorientation vers des systèmes de production plus autonomes, plus herbagers, comme alternative crédible à la course au volume et à l’industrialisation, grâce à une meilleure valorisation du lait par des produits régionaux et une meilleure rémunération des services environnementaux qui sont aussi des biens publics associés à ces modes de production.

André Pflimlin. 1. 9. 2015 afpflimlin@yahoo.fr. Auteur de : *Europe laitière, valoriser tous les territoires pour construire l’avenir ; Editions France Agricole 2010. Ancien ingénieur à l’Institut de l’Élevage. Expert Lait auprès du Comité des Régions à Bruxelles. Notes et références
  1. Agra Presse du 31 8 2015
  2. Marchés mondiaux DEE 458 Institut de l’Elevage, Juin 2015
  3. Europe laitière, A Pflimlin; Editions France Agricole 2010
  4. Alerte rouge sur l’Europe laitière? A. Pflimlin 16 09 2014 2 p.
  5. Crise laitière : mirages et réalités ? A. Pflimlin 7. 8. 2015, 8p.
  6. Global Dairy Trade NZ est la référence pour les cours mondiaux des produits laitiers et fonctionne comme un marché au cadran. Les cotations ont été continuellement à la baisse de mars à aout 2015 à l’exception du 18 aout ou Fonterra avait réduit son offre de 30%.
  7. Cyclope; Marchés Mondiaux 2015, Ph. Chalmin Ed Economica
  8. D’après les études de l’EMB le cout de production moyen en Allemagne et en France est estimé à 400 € la tonne pour les 2 pays, rémunération du travail familial incluse et aides laitières déduites. L’Institut de l’Elevage estime que le point mort, c.a.d. les coûts de production hors travail familial ,se situe à 300€ la tonne en FR et en DE , à 390 au DK et 250 en IE ( C Perrot , journée CEREL 25 6 2015)
  9. L’avenir du secteur laitier, Avis du Comité des Régions, R. Souchon 16 04 2015
  10. Rapport sur la mise en œuvre du «paquet lait» J. Nicholson, Parlement Européen, 7 07 2015
  11. Entretien de René Souchon avec Luis Carazo Jimenez DG AGRI mars 2013
  12. www.European Milk Market Observatory
  13. www.europeanmilkboard.org,
  14. Le marché laitier mondial est un piège pour les éleveurs et un pari fatal pour l’UE. A Pflimlin
13 07 2015 10p. 15. Prospects for EU Agriculture markets and income 2014 -2024 MMO GD AGRI dec. 2014 16. L’alerte anti Europe pourrait être salutaire ? A Pflimlin, Forum & Débats ; La Croix 23 06 2014  

mercredi 26 août 2015

Melinda Saint-Louis: «Le traité transatlantique ne profitera qu’aux 1%».

Melinda Saint-Louis est directrice des campagnes internationales de Public Citizen, une organisation américaine qui s’oppose à la signature du traité transatlantique de libre-échange. Interrogée par Infolibre, elle estime que ce traité ne profitera qu’aux « 1% », soit à la seule élite économique européo-américaine.



Melinda Saint-Louis est directrice des campagnes internationales de Public Citizen, une organisation américaine qui défend les consommateurs et s’oppose clairement à la signature du traité transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP dans le jargon bruxellois, ou TAFTA pour ses adversaires), entre l’Union européenne et les États-Unis. Elle a participé à des conférences organisées par le groupe Greens/EFA dans le cadre du Parlement européen. Infolibre, partenaire éditorial de Mediapart en Espagne, a eu l’opportunité de recueillir son point de vue sur un traité que l’experte n’annonce bénéfique qu’aux « 1% », soit à la seule élite économique européo-américaine.

Les États de l’Union européenne traitent très différemment le TTIP. Certains en ont fait un vrai débat public. D’autres, au contraire, ont presque essayé de cacher son existence à leur population. Aux États-Unis, quelle place occupe le TTIP dans le débat public ?

En ce moment, le pays est davantage en proie à un débat sur le TTP, partenariat dit transpacifique, que le gouvernement est en train de négocier avec le Japon, l’Australie, la Malaisie et le Viêtnam. Les Américains sont très préoccupés par la disparition de postes de travail sur le sol national qu’est susceptible d’entraîner la signature de l’accord. Les standards de travail sont, en effet, bien plus bas au Viêtnam qu’aux États-Unis. Je crois que cette préoccupation quant aux dangers du TTP nourrit en même temps la lutte contre le TTIP, dont la signature est encore plus proche quoiqu’il soit moins présent dans le débat public.

Le TTIP est donc quand même l’objet d’un débat aux États-Unis… 

Oui, depuis plus de six mois déjà. Le débat se concentre notamment sur l’ISDS [tribunal d’arbitrage très conversé entre les investisseurs et les États] et les normes de protection des aliments. Une vaste campagne avait été lancée contre le mécanisme de législation « fast track », qu’a réussi à mettre en place le président Barack Obama. Par ce mécanisme, la signature de l’accord est facilitée, car le président n’aura plus qu’à le signer lui-même avant de le présenter au Congrès. La société civile s’est pourtant majoritairement opposée au « fast track », ainsi que les membres du Parti démocrate lui-même, pour qui le TTIP ne favorise que les grandes entreprises.

En Europe, les entreprises étant soumises à une régulation plus stricte qu’aux États-Unis, pensez-vous que le TTIP leur sera moins bénéfique qu’à leurs consœurs américaines ? 

Aux États-Unis, les entreprises ont davantage recours aux ISDS qu’ailleurs dans le monde. Des entreprises très litigieuses, notamment, ont l’habitude d’utiliser ce mécanisme juridique pour en tirer des bénéfices. L’Europe a donc de quoi se montrer inquiète : la signature du TTIP risque de donner beaucoup de pouvoir aux 47 000 entreprises américaines sur le territoire européen.

En même temps les grandes entreprises européennes ont autant soutenu ce projet que les américaines. Depuis les années 1990, d’un côté de l’Atlantique comme de l’autre, les grandes entreprises le promeuvent corps et âme ! Business Europe et la Chambre de commerce (les organisations patronales européennes et américaines) ont toutes les deux soutenu le TTIP.


L’Europe n’est pas la seule inquiète. Aux États-Unis, par exemple, nous craignons que les grandes banques européennes essaient d’utiliser le TTIP pour réduire le peu, trop peu, de réglementation financière que nous avons, difficilement, réussi à imposer suite à la crise économique. Je vois donc moins cet accord comme une lutte entre les sociétés américaines et européennes, que comme un traité qui ne bénéficiera, des deux côtés de l’Atlantique, qu’aux « 1% », soit à la seule élite économique. Un traité qui augmentera l’inégalité entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien.

Quels effets pourraient avoir le TTIP sur le consommateur américain ?

Les Américains ont très peur que le TTIP ne dérégule à nouveau, ou devrais-je dire, encore plus, le système financier. De nombreuses personnes ont perdu leur maison ou leur travail à cause de la crise financière et de la façon dont Wall Street et les banques ont jonglé avec la finance. Pour l’instant, nous n’avons pas encore obtenu la réglementation dont le pays a vraiment besoin. Et si le TTIP vient fixer des limites à ce que nous espérions pouvoir réaliser dans l’avenir… La stabilité financière est très précaire : cela pourrait conduire à une nouvelle crise.

La réglementation concernant la nourriture et les produits chimiques est bien meilleure en Europe qu’aux États-Unis, bien que plusieurs États américains se battent pour l’améliorer. Le gouvernement de Californie, par exemple, essaie de réglementer ces deux secteurs ; mais le TTIP risque de réduire sa capacité décisionnelle en la matière.

Faites-vous allusion au principe de « coopération réglementaire » inclus dans l’accord ?
La coopération alimentaire soulève de nombreuses inquiétudes. Il y a aussi d’autres préoccupations. Aux États-Unis, il y a une politique très populaire, à droite comme à gauche, qui est connue sous le nom de Buy America ou Buy Local. Cette politique vise à réinvestir les impôts des contribuables dans les emplois locaux grâce aux achats publics. Et ainsi à donner la préférence à certaines entreprises locales.


La Commission européenne juge cette politique discriminante et voudrait que les États-Unis ouvrent entièrement leurs portes aux entreprises étrangères. Alors qu’une des solutions pour sortir de la récession consiste à privilégier, protéger et investir dans l’emploi local, le TTIP risque de nous y remettre en plein dedans !

Vous assurez que l’argument clef qu’a trouvé Obama pour faire passer le TTIP, c’est qu’il serait utile à la sécurité nationale…

Oui, c’est en effet un argument purement rhétorique, mais je dois admettre qu’il a un certain impact sur la population. Le gouvernement sait très bien qu’il n’arrivera pas à vendre le TTIP avec des arguments économiques. Surtout quand on voit que dans le meilleur des cas, le TTIP se traduira par une croissance de 0,2 % au maximum.

Question traités de libre-échange, les États-Unis tiennent sûrement le haut du panier, on en a une palanquée. Ils ont presque tous nui à la majorité de la population, pour favoriser une toute petite minorité. Les gens ne croient plus à ces grands projets. L’ALENA (accord de libre-échange signé en 1994 entre les États-Unis, le Canada et le Mexique) a fait disparaître 1 million d’emplois au lieu des 200 000 qu’il aurait dû créer.
La population est donc sceptique, elle voudrait un autre argument : alors le gouvernement explique que le TTIP est un moyen de s’allier à l’Europe contre la Russie !

* L'article a été publié le 10 juillet 2015 dans le journal infoLibre, partenaire de Mediapart.

Traduit par Irene Casado Sánchez