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Jusqu’ici, les membres de la Troïka (Commission européenne, Banque
centrale européenne, Fonds monétaire international), constituaient pour
moi une entité abstraite : il s’agissait de gens existant quelque part,
manifestement dans l’erreur, et une erreur coupable et dangereuse, mais
j’étais bien incapable de leur mettre un visage, si ce n’est pour leurs
principaux dirigeants, lesquels sont engagés désormais dans un bras de
fer réjouissant, révélateur du désarroi qui les gagne.
Mais hier, j’ai vu et entendu au Parlement européen, deux membres de
la Troïka, et pas des moindres puisqu’ils dirigent l’équipe qui «
s’occupe » de la Grèce : Servaas Deroose pour la Commission européenne
et Klaus Masuch pour la Banque centrale européenne, et là, mon opinion
sur la Troïka a tout à fait changé.
Il ne m’est plus possible désormais d’imaginer qu’il pourrait s’agir
avec eux de gens se trompant de bonne foi : je n’ai en effet entendu que
des camelots de foire débitant des boniments, appelant « victoires »,
des déroutes sanglantes, qualifiant de « chiffres encourageants » la
mesure quantitative de l’effondrement de la zone euro, prenant appui sur
les preuves rétrospectives de leurs errements passés pour appeler à un
effort supplémentaire dans la même direction et, à bout d’arguments
devant les démentis que leur offre la réalité, blâmant les Grecs qui «
refusent de faire ce qu’on leur demande » !
Mais qu’attendre d’autre de la part d’économistes car c’est bien ce
qu’ils sont, qui nous expliquent depuis cent quarante ans que si leurs
prévisions sont systématiquement fausses, ce n’est pas parce que leurs
théories sont sans fondement mais parce que les hommes hélas ne sont pas
suffisamment rationnels au sens psychopathique qu’ils ont attribué de
leur côté au mot « raison ».
Que pouvons-nous faire pour les ramener précisément à la raison ?
Rien hélas : ce sont les prêtres d’une religion féroce qui se co-optent
entre eux, loin, bien loin, de toute élection démocratique. Nous en
sommes réduits, à l’instar des parlementaires européens hier, à les
couvrir de nos quolibets, à les poursuivre de nos lazzi, à chercher à
les faire taire sous nos sifflets, mais si cela calme nos nerfs, cela ne
suffit pas malheureusement à les empêcher de nuire de plus belle.
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