Un
petit événement est survenu mardi 29 avril dans l'hémicycle du Conseil
économique, social et environnemental, à Paris, où le Haut Conseil des
biotechnologies organisait, pour son cinquième anniversaire, un colloque
consacré au brevetage du vivant. Guy Kastler, grand défenseur de la
liberté pour les agriculteurs de reproduire leurs semences, s'est
félicité des « convergences » entre la Confédération paysanne, qu'il
représentait, et le Groupement national interprofessionnel des semences
et plants (GNIS), pourtant généralement rangé dans le camp adverse.
C'est
que le sujet à l'ordre du jour, celui des défis de la politique
européenne face au brevetage des gènes, fait bouger les lignes de
partage habituelles. La Confédération paysanne et le GNIS avaient déjà
coprésidé le groupe de travail du HCB dont les conclusions ont abouti,
en juin 2013, à une recommandation mettant en garde le gouvernement
français sur les dangers pour la recherche de la multiplication de
brevets délivrés au niveau européen sur des plantes, et en particulier
sur des gènes dits natifs, c'est-à-dire existant tels quels dans la
nature.
«
Il y a une quasi unanimité des acteurs contre la brevetabilité des
gènes natifs, à l'exception des grosses entreprises de semences, assure
François Burgaud, directeur des relations extérieures du GNIS. La
science fait tant de progrès qu'il va être de plus en plus facile
d'isoler tel gène correspondant à telle fonction. S'ils sont
systématiquement brevetés, c'est la fin des méthodes classiques de
sélection par croisement. »
Lire aussi : « Les brevets sur le vivant verrouillent l’accès aux ressources génétiques »
« REVERSER DES DROITS À LA NATURE »
On
a un peu parlé de gènes humains, lors du colloque, mais surtout des
laitues, poivrons, tomates ou brocolis qui font l'objet de protections
délivrées par l'Office européen des brevets. Ce dernier a ainsi breveté
en mai 2013 des poivrons présentant un gène de résistance à la mouche
blanche. Ce gène avait été trouvé par le semencier suisse Syngenta dans
une variété jamaïcaine sauvage de poivron non comestible. « Les gènes
natifs ne devraient pas être brevetables, car si on les brevète, il
faudrait reverser des droits à la nature », a déclaré le sociologue
Michel Callon, professeur à l'Ecole des mines.
Avec
une certaine bravoure, Jean Donnenwirth, directeur juridique du
semencier Pioneer pour l'Europe, a appelé à ne pas affaiblir le niveau
de protection apporté par le brevet aux innovateurs. « Les gènes natifs
vont constituer un axe majeur de recherche dans les années à venir face
aux défis qui se posent à l'humanité en termes d'alimentation et
d'agriculture, a-t-il déclaré. Les exclure du champ de la brevetabilité
n'inciterait pas les grands acteurs du secteur privé à investir dans ce
domaine. »
OBSTACLE À L'INNOVATION ?
Le
brevet constitue-t-il un frein ou un moteur de l'innovation ? Chacun
est resté sur ses positions mais Sophie Joissains, sénatrice (UMP) des
Bouches-du-Rhône, a rappelé que son assemblée avait voté, en janvier,
une résolution s'inquiétant notamment des risques de blocage de
l'innovation du fait du brevetage des gènes natifs.
La
question semble faire consensus sur le plan politique : dans un
discours de clôture du colloque, le ministre de l'agriculture, Stéphane
Le Foll, a finalement pris position contre les brevets sur les plantes
et appelé à faire évoluer les pratiques de l'Office européen des
brevets. Il n'a cependant pas été jusqu'à annoncer de texte de loi, sur
le modèle de celui voté le 15 avril par l'Assemblée nationale, qui
interdit la culture des organismes génétiquement mofidiés sur le sol
français.
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