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Guerre aux éleveurs, guerre aux animaux d'élevage!
Après
dix millénaires de vie commune avec les animaux, nous arrivons à un
point de rupture anthropologique et politique majeur dont l'enjeu est de
rompre avec les animaux domestiques, en tout premier lieu avec les
animaux d'élevage, et d'achever le processus d'industrialisation de la
production alimentaire, c'est-à-dire de la soustraire définitivement des mains des éleveurs et des paysans pour la confier aux multinationales et aux investisseurs.
La guerre de l'industrie contre les paysans a commencé au 18e siècle en Europe avec le développement de la société industrielle et l'établissement d'un rapport à la nature médié par la science et la technique, fondé sur le profit, et uniquement sur lui. L'élevage a été transformé en " productions animales" et les animaux sont devenus des machines ou des produits. Les paysans, tout comme les luddites, ont résisté à la machinisation de leur relation à la nature et aux animaux. Ils ont résisté au 18e siècle, au 19e siècle, au 20e siècle, et ils résistent encore au 21e siècle. Ils résistent en France, mais plus largement dans la majorité des pays industrialisés.
L'agro-industrie,
qui concentre pourtant déjà l'essentiel de la production et de la
distribution, tient absolument à réduire à néant les paysans qui
persistent à élever leurs vaches ou leurs cochons à l'herbe et aux
champs, à les respecter, à les aimer et à leur donner une vie aussi
bonne que possible. Et qui tiennent également à offrir aux consommateurs
des produits sains, bons, porteurs de sens et de vie. Et qui
s'obstinent à revendiquer une dignité et un sens moral dans le travail.
Guerre
contre ces éleveurs! Ils doivent lutter pied à pied contre
l'agro-industrie et les pouvoirs publics pour élever leurs animaux en
accord avec leur sensibilité, maîtriser la sélection de leur troupeau,
identifier leurs animaux plutôt que de les "électroniser", les nourrir
sans OGM, contrôler leur abattage en leur évitant l'abattoir industriel,
transformer leurs produits à la ferme, produire et vendre du lait cru
(aux US), ... "Tout ce que je veux faire est illégal", écrit Joël
Salatin , et effectivement, on ne peut que le constater, tout ce que les
éleveurs veulent faire de bien est illégal. Tout ce qu'ils veulent
faire de bien les conduit devant un tribunal. Et aux Etats-Unis, comme
le souligne l'auteure du film Farmageddon, l'état, la police, mènent une guerre invisible mais très dure contre les petits paysans.
Une agriculture sans élevage
Mais
ce n'est pas tout. Outre l'agro-industrie, les éleveurs doivent aussi
lutter contre les auto-proclamés défenseurs des animaux, qui
revendiquent une agriculture sans élevage. Pourquoi ? Parce que ces
derniers considèrent que les éleveurs exploitent leurs animaux -et cela
depuis les débuts de la domestication- et que, par souci de justice et
de morale, il faudrait les libérer sans plus tarder (et sans rembourser
la dette que nous avons à leur égard d'ailleurs). Haro sur le baudet est
aussi la clameur que poussent certains environnementalistes au nom de
la planète et, confondant élevage et productions animales, accusent
l'élevage d'être responsable de l'effet de serre, de la pollution des
eaux, de la réduction de la biodiversité. N'en jetez plus!
Par un opportun concours de circonstances, cette revendication d'agriculture sans élevage coïncide avec le développement de produits industriels bio-tech alternatifs aux produits animaux. Multinationales et fonds d'investissement se sont avisés -tout comme leurs prédécesseurs au 18e et 19e siècle- que la production agricole était plus rentable entre leurs mains qu'entre celles des paysans. Ainsi que l'affirme Joshua Tetrick, directeur de Hampton Creek Food, start-up soutenue par la fondation Bill Gates: "Le monde de l'alimentation ne fonctionne plus. Il n'est pas durable, il est malsain et dangereux. (...) Nous voulons créer un nouveau modèle qui rendrait le précédent obsolète ."
Rendre
l'élevage obsolète. Voilà à quoi s'affairent les start-up alimentaires
et les prétendus défenseurs des animaux, prosélytes de l'alimentation
vegan. Plutôt que des poulets élevés en libre parcours par un éleveur
passionné par ses volatiles, achetez du chicken-free chicken à Hampton
Creek food; plutôt que du fromage au lait cru acheté sur le marché à un
paysan de votre région, achetez du Lygomme ACD Optimum, breveté par
Cargill; plutôt que du cochon gascon élevé par un éleveur admiratif de
ses cochons et qui tient absolument à vous les faire rencontrer, achetez
bientôt du muscle de cochon in vitro -presque bio.
La charge destructrice des multinationales, alliée à la puissance publique et à la consternante naïveté des "défenseurs" des animaux, sonne comme un hallali. Les éleveurs et leurs animaux ne peuvent résister seuls. La relation aux animaux domestiques qu'ils défendent, c'est notre vie tout entière avec les animaux. Après l'exclusion de la vache, viendra celle de votre chien, remplacé par un robot supposé tout aussi capable d'exprimer des émotions et de ressentir les vôtres. Après l'exclusion de la vache et du chien, viendra la nôtre. Et cette exclusion-là est également déjà bien avancée.Notes :
- Elevage industriel, abattoirs, viande in vitro : faut-il réinventer l'élevage?
- Elevage intensif: 10 raisons de tout changer
- Amis végétariens, vouloir abolir les élevages n'est pas extrémiste, c'est utopiste
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