ECOLOGIE GENERALE - L'Allemagne n'est pas propre
L'année dernière, alors que je parcourais l'Europe en avion, je suis passé au-dessus de Berlin. Au moment de l'atterrissage, j'ai pu observer par le hublot des activités minières à ciel ouvert au sud-est de la ville.
Cela piqua ma curiosité parce que je pensais que l'Allemagne était un pays très "vert", peuplé d'écologistes endurcis. Qu'en était-il alors de cette activité minière ?
Il y a l'écologie certes, mais il y a aussi l'argent. L'économie allemande, point d'ancrage de l'euro, est solide. L'Allemagne possède de nombreuses et superbes entreprises industrielles, couvrant un vaste éventail de secteurs économiques. On pense par exemple à Mercedes-Benz, BMW, Siemens et bien d'autres.
Toutefois, aussi excellentes que soient les entreprises allemandes dans leur domaine, l'économie du pays a besoin d'une énergie à prix compétitif. Les coûts énergétiques sont importants pour toutes les entreprises.
Le besoin d'une énergie abordable a conduit à une renaissance de l'activité minière en Allemagne afin de fournir du carburant à un coût relativement bas pour générer de l'électricité. Par conséquent, malgré ce qu'on peut entendre à propos de l'écologie allemande -- fermeture de centrales nucléaires, construction d'éoliennes et installation de panneaux solaires -- le fait est que l'Allemagne produit beaucoup de charbon.
Par différents aspects, la renaissance minière allemande n'est pas "propre". Des machines gigantesques creusent des formations rocheuses qui produisent le charbon parmi le plus sale au monde -- le lignite ou "charbon brun". Comme on peut le voir sur ce graphique, l'Allemagne produit et utilise de grandes quantités de charbon -- en particulier du lignite de qualité inférieure -- pour générer de l'électricité.
Le
problème avec le lignite est qu'il est composé de moisissures et de
toutes sortes d'impuretés. Chaque tonne de lignite allemand est moins
énergétique et plus polluante que d'autres formes de charbon de
meilleure qualité (la houille dans le graphique ci-dessus), sans parler
du gaz naturel, du nucléaire, de l'éolien et du solaire -- non pas
qu'il y ait beaucoup de soleil en Allemagne l'hiver.
Le lignite, nouvelle mode énergétique ?
Cette nouvelle tendance à produire du lignite s'étend au-delà des
frontières allemandes, en Pologne et en République tchèque. Les grandes
entreprises énergétiques européennes -- comme le suédois Vattenfall AB,
par exemple -- développent des mines à ciel ouvert pour livrer plus de
lignite aux centrales électriques.
Ainsi,
à l'est de Berlin, Vattenfall exploite la mine de lignite de
Welzow-Sued. Au fil des ans, les opérations minières se sont
rapprochées à la limite des propriétés privées. Aujourd'hui Vattenfall
demande aux autorités du Land de Brandebourg l'autorisation de saisir
des terrains pour étendre ses opérations. Le village de Proschim est
entre autres concerné. Vieux de 700 ans, il serait ainsi destiné à une
destruction complète pour pouvoir étendre la zone d'exploitation
minière de Vattenfall.
Selon
un porte-parole de l'entreprise, "le lignite est la seule source
traditionnelle d'énergie qui soit, sur le long terme, disponible dans
cette zone en quantités suffisantes et à un prix abordable. Toutes les
alternatives possibles sont pour le moment plus chères, elles
augmentent la dépendance aux importations et font fuir les
investissements, la création de valeur et les emplois".
Ce
commentaire de Vattenfall résume tout à fait le débat qui agite les
Allemands. C'est soit le lignite, soit payer plus, importer plus,
investir moins et perdre des emplois. Clairement, l'Allemagne doit faire
des compromis économiques, sociaux et environnementaux dans sa quête
d'énergie.
Par
conséquent, l'Allemagne se tourne vers l'exploitation minière à ciel
ouvert. Pour l'instant, les centrales électriques allemandes brûlent du
lignite "sale" pour maintenir la production électrique, la production
industrielle, l'allumage des villes et le chauffage des maisons. Selon
la politique environnementale de l'Allemagne, les zones d'exploitation
minière seront au final remises en état. Mais l'Allemagne a pris ses
décisions et la politique énergétique est claire, même vue du hublot
d'un avion atterrissant à Berlin.
Peut-on faire autrement ?
Tandis que les Allemands déplacent des villes entières pour creuser
du lignite, il en va différemment ailleurs, au Canada, dans les sables
bitumeux de la province d'Alberta par exemple. Ainsi, si une
exploitation affecte une terre liée aux "Premières nations", le
processus d'autorisation est immédiatement stoppé jusqu'à ce que les
problèmes juridiques soient totalement clarifiés.
Quel
est l'effet sur le paysage ? L'exploitation des sables bitumeux a un
impact certain. Mais depuis les années 1970, période où a débuté
l'exploitation en Alberta, la surface totale d'exploitation est de
moins de 770 km2. C'est peu : par comparaison, le Grand Los Angeles
couvre 12 500 km2.
Qu'en
est-il des énergies dites "vertes" comme l'hydroélectricité ? La
surface d'exploitation hydroélectrique -- principalement d'anciennes
zones forestières -- couvre selon les estimations d'Hydro-Québec
environ 30 000 km2 (la taille de la Belgique). C'est à peu près 40 fois
plus que la zone dédiée aux exploitations minières en surface pour les
sables bitumeux d'Alberta.
Dans
une cinquantaine d'années, le schéma directeur pour l'Alberta stipule
qu'environ toutes les exploitations minières en surface toucheront à
leur fin. Entre temps, chaque exploitation minière doit établir un
"fonds d'amortissement" dédié à la remise en état des terrains à un
aspect proche de celui d'origine. Ce plan de rétablissement exige de
recouvrir les zones creusées par la terre d'origine qui aura été
auparavant stockée, de replanter la flore d'origine et de réintroduire
la faune d'origine.
Pendant
ce temps-là, dans 50 ans, le Grand Los Angeles et les barrages
hydroélectriques du Québec seront certainement encore là, et même plus
étendus encore.
Ces
deux pays et leur quête respective d'énergie soulignent à quel point
il n'existe pas de réponse facile aux questions économiques et de
production électrique. Cela montre également que tout est relié à tout
aujourd'hui.
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